Historiques

Sous-marin Narval S631 - Cherbourg année 1955 Jean VANHILLE témoigne d'un épisode qui aurait pu tourner à la catastrophe

Article publié le mardi 18 sept. 2007

Première mise à l'eau en décembre 1954 à l'arsenal de Cherbourg et mise en service en décembre 1957, le sous-marin Narval, premier d'une série de six, donne naissance à la nouvelle force sous-marine Française

Ci-dessous, un épisode de l'épopée de ce "bateau noir" avec un récit de notre ami Jean VANHILLE, membre de la section Doris de l'AGASM

Le 15 Mars 1948, j'étais incorporé au CFM Pont-Réan afin d'y suivre le cours de mécanicien. S'y trouvaient également Charles SEGUIN,Roger BULCOURT et René DESFOUX que je devais retrouver plutard aux sous-marins. Aprés un bref séjour sur le MONTCALM, j'embarquai sur la CREOLE. Puis, ce fut l'ANDROMEDE et, je fus promu second-maitre. Les places étant chéres aux sous-marins, je me suis retrouvé sur un dragueur, l'ALGOL, pas trés longtemps, car, on pensa à moi pour le tour colonial. Je fis deux croisieres sur la JEANNE D'ARC. Fin juin 1955, je revenai à mes premieres amours, j'embarquai sur le NARVAL en fin d'armement à Cherbourg. Etude du bord, plongée statique....sans histoires. Puis vint la plongée en route libre.....jusque là, je n'avais jamais rien vu de pareil. Ce fut un numéro digne du cirque PINDER. On essaya de plonger, mais cette bourrique était tétue. On sortit le grand jeu "TOUT L'EAU A L'AVANT", rien n'y fit "DIX HOMME A L'AVANT" encore rien "TOUT LE MONDE A L'AVANT", toujours rien. Le NARVAL restait avec le nez hors de l'eau. Je me suis dit "peut-étre, est-il comme moi, il ne sait pas nager...!" il n'y a pas de honte à cela, mais, au moins qu'il nous le dise. On peut se poser des questions.....Bon. Tout le monde refléchissait, sauf un farfelu qui s'ennuyait et à qui on n'avait rien demandé, manoeuvra la barre de plongée AR dans l'autre sens. Alors, là, les choses se précipitèrent, seuls, je dis bien, seuls ceux qui sont montés sur la grande roue à la foire du trône peuvent comprendre!!!!!!

On plongea pour de bon : pointe -40°, jusque là, on peut tolérer certaines fantaisies. Mais ce fut la suite : on prit de suite : 30° de gîte sur babord, les caisses à huile de réserve se vidérent par leurs dégagements d'air. Pensant à l'énorme cathédrale de ce bateau, on pourrait trés bien finir par marcher sur le plafond, ce qui est formellement interdit par le réglement. Il n'en fus rien, les ordres fusérent "CHASSEZ PARTOUT...MOTEURS EN ARRIERE 5....!". La bête déchainée se calma et l'on se retrouva en surface et alors, il y eut des conciliabules des grattages de têtes pour, enfin, s'aperçevoir qu'un chef d'équipe électricien de la DCAN avait, tout simplement, permutés les fils du répétiteur d'angle de barre AR. Aussitot, on remit cela et, tout se passa bien. "Immersion 50 métres......Fuites aux échappements des diesels.....surface". Retour à Cherbourg et examen des clapets d'échappements et autres éléments. Puis de nouveau, les essais à la mer "Immersion 50 Mt... Fuites aux échappements des diesels". Alors que je te rode et que je te rerodes et que je te rerodes les clapets des échappements et, toujours...Fuites. Je me mis à consulter les plans des échappements et, je remarquai qu'il y avait des arrivées de graissage centralisé sur les boites de manoeuvre des clapets et un trou sensé servir à décompresser le graissage. Je fis part de ma découverte à l'ingénieur du bord PALLIX et, lui demandait l'autorisation de me rendre compte sur place. Je me mis à p...l sous ma combinaison, au passage, je confisquais le manche à balai du cuistot. Avec un lance- amarre autour des reins, dont l'extremité était tenue par le Commandant, car nous étions en mer, je m'aventurai dans les superstructures. Je taillais des pinoches dans le manche prété par le cuistot et je bouchais les trous incriminés "Alerte....!immersion 50 métres"....." Echappements des diesels étanches". J'allais oublier la vidange!!!!! m'adressant à un béotien, je lui dirais que la vidange consiste à évacuer le reliquat d'eau des ballasts aprés un retour en surface à l'aide des gaz d'échappement des moteurs "Diesels". Imaginez-vous l'ouverture de la chasse aux gibiers d'eau, la vidange, c'était çà!!!.Je m'expliques : à l'ordre "Préparez un moteur pour la vidange". On se disait "adieu" et "si tu t'en sors, donnes ceci à ma fiançée". Un autre "si tu t'en sors,donnes mon stock de préservatifs à mon beau frére". Le matelot, affecté à l'ouverture du clapet d'échappement, faisait ses adieux au cuistot, car, il était plus souvent à la cuisine qu'à son poste de quart(je ne mouchardes pas). Bien, ceci étant dit, on prépare un moteur pour la vidange. A l'ordre "En vidange". Le chef-moteur, les yeux injectés de sang, la bave lui coulant de la bouche, se mit à prendre le cran de pétrole pour une manoeuvre de pompe "Japy". Le matelot, affecté à la manoeuvre du clapet d'échappement, un os de poulet dans la bouche, tel un forban allant à l'abordage, le sabre entre les dents, s'élança sur le volant d'ouverture du clapet d'échappement, les yeux hors de la téte. Puis, ce fut l'apothéose!!!!!!! Les batailles de Verdun et de la Marne réunies, toutes les soupapes de sureté des sept cylindres-moteur se mirent à péter. Puis, suivit un doux ronronnement de ce merveilleux moteur. Nous étions tous vivants. Nos succésseurs ne connurent pas ces délices, car ils eurent des "Pielstick". Ne me parlez plus de moteur "Schneider"!!!!!!!! Il y avait aussi le shnorckel, les oreilles s'en souviennent encore, "préssion....dépression" un curieux phénoméne se produisait, plus la dépression s'élevait, un brouillard intense montait de la cale et nous arrivait,parfois,au niveau de la ceinture, alors, là, les oreilles!!!. Nous avions un médecin à bord, tout le monde y compris notre chien "Jobic" à un examen des oreilles. Par la suite, nous taquinions notre petit compagnon en lui présentant une lampe-torche au niveau des oreilles, c'était la seule fois que "Jobic" nous montrait ses dents. Un jour, nous déjeunions à onzes heures afin de prendre le quart à midi. Nous étions en plongée périscopique, tout à coup un cri, puis une odeur qui n'avait rien à voir avec celle des parfumeries de Grasses se répandit dans le bord. Puis, on vit sortir des poulaines(WC),un individu livide, seul le visage était blanc,sur l'oreille, il avait un colombin en guise de cigarette. Il était le seul à porter une combinaison blanche à bord!!!!. Il s'était trompé dans la manoeuvre de vidange. Que voulez-vous, sur les sous-marins de poche ex-allemands d'ou il provenait de telles installations ne devait pas exister. Le commandant EMERY, l'oeil mauvais, lui dit "allez vous changer immédiatement". Puis vinrent les patrouilles, les entrainements. L'une d'elles nous amena par le canal St Georges et les iles Féroé jusqu'au cercle polaire, au retour, transit en surface par le Pas-de-Calais. Passant au niveau de Dunkerque, le commandant me fit monter à la passerelle afin que je puisses admirer ma terre natale. Une croisiere d'endurance de 48 jours, en plongée, nous fit faire des ronds dans l'eau, dés le départ, on décala nos montres de douzes heures, prenant le jour pour la nuit. En effet, le jour nous étions en plongée profonde et la nuit, nous étions au Schnorckel afin de recharger les batteries et exécuter certains travaux. Il nous est arrivé de faire une patrouille en compagnie du Marsouin. Ayant une confiance relative aux Schneider,on prit la precaution d'embarquer,au poste avant, les cables de charge électrique. Peu de temps avant d'arriver à Lisbonne, le Marsouin avait ses deux moteurs en panne (les fameuses pompes de balayages avec nos moteurs, nous avons chargé les batteries du Marsouin, puis, nous l'avons escorté à faible vitesse jusqu'à Lorient. Enfin, en 1959, le Narval entrait en grand carénage à Lorient et je debarquais afin de rejoindre la Galatée à Cherbourg. Durant mon embarquement sur le Narval, j'ai connu trois Commandants : - Lieutenant de Vaisseau puis Capitaine de Corvette EMERY, - Lieutenant de Vaisseau NOEL - Lieutenant de Vaisseau ROYER Trois ingénieurs : - PALLIX - DEGRAMONT - DE QUELEN J'aurai une pensée particilière pour : MP mec Belbaut, PM mec Le Page, MP élec Nicolas, M Télec Zannelo, MT élec Leroux, PM torp Jestin,SM torp Coppier MT radio Lepage, SM detec Artus(devenu CF)remplaçé par SM detec Merçier, SM elarm Prigent, SM dsm Raguénés SM mec Colin, Bourvon, Cuidet, Picard, Meyer, Taupenot, Lemaire, SM elec Bouchard remplaçé par Dijoux, Saint-Calbre remplaçé par Ducorneau, Vinçent. Une pensée également, pour mes QM et Matelots méc. Senechal, Ezanno, Gouat, Ménard, Daniel ou, Auffray, Belbéze, Briquet, Loison. Une pensée également pour nos maitres d'hôtel : Robert, William Mermet bouvier de bouziniac (çà ne s'in-vente pas) suivi du célébre Decatoire. Si d'aventure, j'en ai oublié certains, qu'ils veuillent bien me pardonner, il y a, quand méme plus d'un demi-siecle de tout cela. Certains évènements, traités avec humour, reflétent la vérité. à Tétéghem, le 19 septembre 2007 - Jean VANHILLE

Les commentaires

Ecrit par L'abominable Poulet des Neiges
le 2007-09-20 à 19:38:32

Eh bien mon petit papi, que d'aventures!! Je crois bien que j'aurais eu peur!!!
Que de palpitations, de secousses et de découvertes! Que d'ingéniosité et de courage!!
Quelle vie!
Des hommes formidables. Et des souvenirs magnifiques.
Il faudra que tu en racontes d'autres.