Recherches - Témoignages

Le carnet de route du matelot Hilaire André Wadoux - 4

Article publié le jeudi 26 avril 2007

Pour ceux qui prennent l'histoire en cours de chemin ils peuvent retrouver les premiers chapitres avec ke moteur de recherche

 Nous avions laissé notre matelot avec une permission en poche parti à la recherche de son épouse qu'il pensait être à Bordeaux.

A Bordeaux

Première chose : un bon demi en sortant de la gare, puis je me mets en quête d'un hôtel; alors là " Makache oualou", comme dirait mon copain Mohamed.

Valise à la main me voilà déambulant vers le centre ville toujours en quête d'un hôtel. J'en fais 12 ou 15 et toujours la même réponse : "Rien c'est plein" . Dans le 3° ou 4° j'ai eu une lueur d'espoir. Un brave homme heureux comme un pape de voir un matelot enchaîne tout de suite

-J'étais matelot Maître d'Hôtel sur le Courbet à la dernière guerre.

Je m'en fous complètement qu'il ait servi les "boeufs" sur le Courbet et je reprends ma route. Arrivé à la hauteur de la rue où se trouve un hôpital plein comme un oeuf, fatigué de marcher, je prends la décision de m'asseoir sur un seuil de porte après avoir bu un coup de "Gwin Ru" car j'ai pris mes précautions.

Les files d'attente des réfugiés. Il y en a même qui viennent de Belgique.

Il est environ 19 h 30 et je me dis:

-Wadoux tu n'as plus qu'une solution c'est de te rendre au Commissariat où tu seras hébergé en tant que S.D.F., ou on t'indiquera l'endroit où se trouve une caserne.

Je suis dans mes pensées lorsqu'une météorite me tombe aux pieds. Une météorite en parlant d'une femme de 32 à 35 ans accompagnée de deux mômes de 10 à 12 ans.

-Alors jeune homme que faites -vous là assis sur ce seuil?

Ma bonne humeur s'étant volatilisée :

-Je recherche ma femme.

-Et bien ce n'est pas là que vous allez la trouver, venez donc avec moi.

Hein ! De quoi ! Qu'est-ce-qui m'arrive ? Drôlement gonflée ! Oser entraîner un matelot avec 2 mômes. Imaginez ce qui peut bien se passer sous le bachi dans la tête d'un matelot de 22 ans. Enfin je lui emboîte le pas et en cours de route elle me pose quelques questions:

-D'où venez -vous ? Avez- vous des enfants ? Etc...

A mon tour je l'interroge:

-Où se trouve votre mari ?

-Il est à Paris mais depuis quelques jours je n'ai plus de nouvelle.

Après avoir parcouru 150 à 200 mètres, Arrêt! Elle me dit:

-Ici ce sont les salons des anciens combattants.

Ce devait être dans la rue St Gennest. Et la dame qui brise tous mes rêves en sonnant à la porte. En effet un battant s'ouvre et laisse apparaître une bonne sœur. La dame de mon rêve éphémère met notre bonne sœur au courant de sa trouvaille en l'occurrence "ma pomme" et prend congé.

Notre bonne sœur me prie de la suivre et m'emmène dans un petit salon.

-Avez -vous mangé ?

-Non ma sœur ou ma mère.

A l'époque où les robes dévalent jusqu'aux talons, allez donc deviner. On ne peut faire qu'une évaluation si l'on ne voit pas le mollet.

-Sœur Marie-Madeleine me répond-elle.

Elle ne me dit rien sur son âge que j'estime à 40, 45 ans. Après tout je m'en moque.

Suite au repas offert par la maison : sardines à l'huile, œufs au plat, banane, carafe de vin blanc et carafe d'eau, elle me conduit dans un très grand dortoir où il y a 4 rangées de 20 à 25 lits. Sœur Marie- Madeleine me dit :

- Choisissez et je vous dis"Bonne nuit"

A peine au lit mes yeux ferment les volets et j'en oublie de compter les moutons pour m'endormir. Crevé Wadoux s'endort profondément jusque 5 h 30.

Lorsque je me réveille le10 juin je constate que tous les lits sont occupés. Je n'ai rien entendu et pourtant j'ai le sommeil ultra- léger. C'est un convoi de réfugiés qui était attendu et qui est arrivé dans la nuit. Je me lève et m'habille sommairement et pars à la recherche d'un lavabo. Je ne trouve rien dans les couloirs. J'élargis mon exploration et je découvre dans la cour un tuyau sortant de terre et se terminant par un robinet. Voilà mon affaire. Pour le lavage du visage, des mains et des pieds pas de problème, mais pour ce qui est du rasage sans glace ça tient du livre des records. Je relève la tête tout en m'essuyant, que vois-je à mes côtés? Une nouvelle bonne sœur . Elles devaient sûrement faire le service par tiers. Allez ! Prenez vos affaires , vous finirez de vous vêtir dans la salle à manger. ( Je tiens à préciser que je n'étais pas à poil.)

- Et maintenant mon cher , nous allons boire un petit café.

En guise de petit café c'est deux grands bols qu'elle remplit aux trois quarts.

-Voulez- vous un peu de lait , me demande -t-elle?

-Mais ma sœur dans la marine, les équipages sont plutôt enclin à boire un cognac dans leur jus !

Elle éclate de rire et me dit que ce liquide n'existe pas chez eux. Elle va me chercher du pain, une tranche de jambon, une portion de "vache qui rit" et .... du café. Pendant la dégustation de mon petit déjeuner elle me demande:

-Comment pensez-vous retrouver votre épouse ? Elle avait été mise au courant par ses consoeurs.

-Eh bien ! J'ai deux solutions. Je vais me rendre au commissariat qui pourra peut-être me renseigner, sinon au port de Bordeaux, je pense retrouver la trace de mon beau-père qui étant peseur juré au port de Dunkerque a peut-être repris cet emploi ici. Elle me demande alors le nom, prénom, âge de mon épouse ainsi que de mes beaux- parents. Puis ayant pris ces notes elle s'éclipse en me disant de l'attendre. Elle revient au bout de 20 minutes et me dit ;

-Je viens de téléphoner au service des réfugiés, et ils n'ont pas ces noms là. Par contre les jeunes filles et jeunes femmes qui désirent travailler peuvent se rendre à l'usine d'obus ou à l'usine d'aviation se trouvant à Achard de l'autre côté du fleuve.

Après avoir remercié ces saintes femmes de leur hospitalité , je demande l'addition pour mon séjour .L' une d'elles me dit : - Ici les soldats ne payent pas et vous pouvez toujours revenir, si le besoin s'en fait sentir. Il faudra que j'y pense pour mes prochaines vacances. A près un dernier adieu à mes bienfaitrices, je pars en direction du centre-ville et j'atterris après une demi- heure de marche environ place Pey-Berland; Ah ! Sur un coin un bistrot : "Café de la Loire". J'y entre sous les yeux ébahis de la patronne et commande un vin blanc pour me faire passer le goût du café. La patronne se risque à me demander si je suis du coin?

-Ben non madame! Je suis à la recherche de l'objet le plus précieux que j'ai épousé au début de l'année; en l' occurrence la femme de mes rêves. Pour cela je dois me rendre à Achar. Pourriez- vous m'indiquer l'endroit où je peux trouver un transport pour me rendre à l'endroit indiqué ?

Muni du précieux renseignement je trouve un tramway, qui ,après avoir traversé la Garonne me dépose au lieu-dit Achar. Je suis sur un boulevard plutôt très large, et je me jette sur la première proie qui passe à proximité:

-Pardon m'sieur ! Pourriez- vous m'indiquer si dans les parages se trouve une usine de munitions ? Euh! Des munitions c'est beaucoup dire, mais je sais que l'on fabrique des cartouches.

Heureusement que je ne fais pas partie de la 5° colonne car je n'aurai pas eu le renseignement.

-Bon ! Vous continuez le long de ce trottoir et vous apercevrez deux portes, l'une pour les camions, l'autre pour le personnel.

Effectivement au bout de 150 à 200 mètres, je me trouve nez à nez avec les dites deux portes. J'entre par la petite et une pancarte m'indique de donner mon identité à l'accueil. Un vieux monsieur m'accueille très gentiment, repose le reliquat de ses deux tartines sur un guéridon,et s'essuie la bouche sur sa manchette ( en effet les employés de bureau portent des manchettes partant du poignet jusqu'au coude : des lustrines).

-Alors mon gars de la marine, qu'est-ce qui t' amène ici?

Je lui fais part de mes recherches.

-Eh bien on va s'occuper de ça! Après quelques coups de manivelle à son crincrin il entre en communication avec une tierce personne( peut-être une femme, peut-être un homme)

-J'ai à mes côtés un marin.... oui il a un pompom.... oui Marine Nationale......! Il recherche sa femme qui a évacué Dunkerque.......... hein! Tu ne sais pas où est Dunkerque? Au sud de Lille ! Son nom de jeune fille suivi d'épouse!

Il se tourne vers moi et me demande le renseignement qu'il communique à son correspondant:

-Dentant oui D.E.N.T.A.N.T, épouse Wadoux, W.A.D.O.U.X. Prénom Denise... ah! Tu sais l'écrire ....ta fille s'appelle Denise. J'attends que tu me rappelles.

Se tournant vers moi:

- D'ici un quart d'heure nous serons fixés et replongeant sur le restant de son casse croûte, il poursuit ;

- Moi je suis réformé ( bon je me dis il va me faire le coup du maître d'hôtel du Courbet)j'ai une jambe plus courte que l'autre de 3 centimètres.

-Remarquez , si l'on se regarde les yeux dans les yeux , ça ne se voit pas. Ce qui a le don de le faire rire.

Nous devons interrompre notre conversation car il est sollicité par d'autres employés de la maison, lesquels employés jettent tous un regard furtif à mon encontre, l'air de dire : qu'est-ce-que ce marin vient foutre chez nous!

Comme dans cette pièce d'accueil il y a un banc je me dis "autant attendre le coup de téléphone plutôt assis que debout." Au premier contact avec ce "reposoir à fesses" vous comprenez que lui aussi a dû faire la guerre 14/18.

Au bout d'un bon quart d'heure un "Dring" crevant le mur du son parvient à mes oreilles. Notre brave homme se saisit du téléphone et le colle à son oreille en me faisant un clin d' oeil, l'air de me dire "c'est pour toi".

- Oui! Allô! Non! Ah bon! Même dans le grand fichier? Ah bon! Vous pensez que.....Ah oui! Je vais lui en parler.

Et c'est avec un air dépité qu'il m'annonce que ma femme n'est pas dans les murs de l'établissement. Par contre il serait bon que je me rende de l'autre côté du boulevard où se trouve l'usine d'aviation. Peut-être que là !

Je prends congé de mon brave documentaliste en le remerciant comme il se doit. Une fois dehors,coup d' oeil circulaire vers le trottoir d'en face, et je repère cette espèce d'usine d'aviation qui n'est autre, d'après moi, qu'une fabrique de pièces pour l'aviation.

Je me présente devant une double porte munie de judas sur laquelle est inscrit "Défense d'entrer sans autorisation" . Je me risque à sonner et après une attente assez courte, la plaque recouvrant un judas vire de bord et une demi frimousse apparaît.

- Entrez par la petite porte à côté et pénétrez dans la salle d'attente!

A peine entré j'entends

- C'est pourquoi?

Je me retrouve devant un petit monsieur ressemblant à la figure géométrique que l'on appelle un cube d'environ 1,60 m de côté, derrière un comptoir surmonté d'un grillage allant jusqu'au plafond . Je lui fais part de mes recherches concernant mon épouse ce qui fait l'effet d'une bombe chez cet individu .

- Nous ne sommes pas une agence de renseignements, adressez- vous aux renseignements qui s'occupent de ces problèmes.

Je vous passe les épithètes que je lui adresse.

-Sortez ou j'appelle la police!

Il se dirige vers son crincrin téléphonique et je bats en retraite et me retrouve sur le trottoir. Quel plaisir j'aurais eu de lui foutre mon poing sur la g... à ce nimbus.

Je reprends le tramway en direction de la ville et me rends au café de la place Pey-Berland où j'étais allé le matin. Sept à huit messieurs discutent au comptoir. Lorsque la patronne me voit, elle vient vers moi et me demande le résultat de mon enquête.

-Complètement négatif; en lui narrant en gros mes différentes démarches.

Puis elle s'adresse à l'un de ses clients du comptoir à qui elle raconte certainement mon histoire car ce monsieur s'approche de moi et me dit très gentiment:

- La patronne m'a raconté en deux mots que tu étais à la recherche de ton épouse, hé bien comme je suis le commissaire de police de Bordeaux, mon bureau se trouve en face d'ici, viens me voir à 14 heures. Si ta femme se trouve ici ou dans la périphérie, nous la retrouverons en attendant nous sommes à l'apéritif, alors tu bois un coup avec nous.

J'en bus deux... payés par qui ? Quand le groupe fut parti, sans doute déjeuner car il était midi je pensais à ce que le commissaire m'avait dit en ce qui concernait ma "Denise" et je me promis de lui poser la question concernant mon beau-père. Peut-être se trouvait-il au port de Bordeaux. Pourquoi n'ai -je pas pensé à cela en premier.

Avant de sortir du café je demande à la patronne où je pouvais me gargariser l'estomac.

- En sortant d'ici vous tournez sur la droite et dans la rue vous trouverez une quantité de petits restaurants les uns à côté des autres.

Après l'avoir remerciée, je me dirige vers ces lieux où effectivement il y a de nombreux cafés-restaurants pleins de clients réfugiés. Après prospection de 3 ou 4 établissements je rentre dans un de ceux- ci où il y avait encore une place libre, le dos à la caisse avec vue sur la rue; A cette table de 4 personnes se trouvent un couple de réfugiés originaires de Lille. Après un contact vite pris( vous parlez entre gens du Nord) nous continuons notre exercice de mâchoires tout en nous racontant nos péripéties.

Fin du repas ! La serveuse:

- Voulez -vous un café ?

- Bien volontiers !

Aller retour et deux minutes après un café fumant est déposé devant mes narines... et devinez ce qui m'arrive ? Mon regard est fixé vers la porte ouverte de l'établissement, qui je vois passer : ma "Denise". 1940 ! Wadoux champion olympique du triple saut ! Atterrissage sur le trottoir en gueulant :

- Denise ! Denise ! Et nous voilà dans les bras l'un de l'autre., des lèvres qui se collent sans colle sous le regard des passants éberlués. Peut-être que quelques- uns de ces derniers ont pensé " Tiens en voilà une qui vient de soulever un matelot". Et comme on s'en foutait complètement, ils pouvaient penser ce qu'ils voulaient. Retour au restaurant avec mon adorable moitié, je suis obligé de m'excuser pour mon attitude près de la serveuse et de la patronne. Elles devaient penser que je partais sans payer. Le personnel, les clients, mes voisins de table étaient hébétés, abasourdis, sidérés: comment la vierge est montée au ciel! La sienne en descend! Après les présentations, et la note réglée, nous prenons la sortie, les lèvres soudées; Sitôt dehors, je dis à ma femme que nous devrions nous rendre au commissariat et le pourquoi.

Dès notre arrivée, nous sommes conduits devant le commissaire de police rencontré 2 heures avant, et lui narre en quelques mots les retrouvailles de mes parents et de mon épouse dans la pagaille qui régnait suite à l'avance des allemands. Je le remercie pour l'aide qu'il était prêt à m'offrir et nous prenons congé.

Une fois dehors, mon épouse me dit :

- Nous allons aviser ma patronne de mon absence.

En passant devant le restaurant où j'avais déjeuné elle me dit :

- Et dire que nous étions dans deux restaurants se trouvant côte -à- côte.

Elle se rendait là tous les jours avec son père. Quelques dizaines de mètres plus loin était la maison de couture où elle travaillait. Dès notre entrée dans l'établissement, ma "Denise" s'excuse et raconte à cette brave femme l'objet de son arrivée tardive : " Elle a retrouvé son matelot ". Après les présentations, la patronne nous dit :

- Et bien mes enfants, rentrez vite chez vous, car vous avez sûrement beaucoup de choses à vous raconter à cause des événements.

Naturellement on ne lui demande pas où est la sortie, très heureux qu'elle nous laisse "quartier libre ". La liberté retrouvée, mon épouse me dit :

- Maintenant nous rentrons chez nous !

- Très bien ma chérie, et c'est où ?

- A Cauderan, il y a un quart d'heure de tramway

- Bon allons -y!

La chance nous aide, au bout de la rue : un taxi !. On s'engouffre et Denise donne l'adresse de sa "crèche". A l'arrivée devant la maison, un coup de sonnette, la porte d'entrée s'ouvre et voilà la belle-mère et le beau-fils dans les bras l'un de l'autre, étreints par l'émotion indescriptible, car il faut le dire je suis tombé non seulement sur une femme charmante mais aussi sur des beaux-parents adorables. Vinrent ensuite leur voisine, Madame Goetghebeur et son fils René qui avaient évacué ensemble avec les parents de mon épouse . L' époux de cette voisine est le patron de l'Imprimerie Moderne, rue de Roubaix à Malo. Il est actuellement sous les drapeaux quelque part en France.

Enfin vers 18 heures 30 arrivée de mon beau-père. Nouvelle étreinte suivie d'un coup à boire ( peut-être deux). Conversations sur nos diverses péripéties jusque après le repas du soir.

Un lit nous tendant les bras. non plutôt les draps, nous prenons la position allongée pour... rêver et dormir... Quel changement avec un hamac.

le 6 jin Denise avait reçu un télégramme de la Marine à Bordeaux lui annonçant que son mari était vraisemblablement rescapé. Elle igonre comment la marine a obtenu son adresse.

Le 11 Juin, après le jus et un petit déjeuner, je dois revenir à la réalité. En effet un permissionnaire doit faire signer son titre de permission à la gendarmerie ou à défaut dans une caserne. Je me rends à la caserne Achard à partir de laquelle on aperçoit le port en contrebas. Je m'aperçois que pas mal de marins ont amerri en ce lieu. Près de la porte du poste de garde se trouvent un quartier-maître et un matelot fourrier. Je leur fais part de la raison de ma venue dans la caserne. Le quartier -maître me dit:

- Rentre chez toi et passe ta permission tranquille, les allemands s'approchent de Bordeaux, nous attendons les ordres. As- tu besoin d'argent ?

-Eh bien oui !

Les 500 francs que j'avais touchés à Brest ont pas mal été écornés. Le matelot fourrier prend mon nom, prénom, matricule, spécialité, tout ça sur un cahier d'écolier et le quartier-maître me remet 1000 francs. Et je rentre à la maison avec mon trésor, 1000 francs, pensez donc.

Au cours de la nuit les premiers bombardements allemands commencent.

Le 12 juin, journée très chaude; de par la température; que nous mettons à profit pour visiter Bordeaux et faire quelques emplettes, et c'est au cours d'un de ces lèche-vitrines que j'entends soudain :

-Eh matelot! On ne salue plus maintenant !

C'est un 4 galons de l'armée de terre que je n'ai pas vu qui m'interpelle ainsi. Un officier d'une cinquantaine d'années que la République a sans doute dépoussiéré pour faire bien dans le paysage. La réponse est cinglante de la part de ma "Denise"

-Dites- donc, c'est tout ce que vous avez à faire à rester sur un coin de trottoir pour vous faire saluer? Savez- vous d'où vient mon mari ? De Dunkerque où il a coulé avec son bateau ! Et vous? Bordeaux c'est comme Paris, les passants s'agglutinent très vite. Voyant cela notre 4 ficelles traverse le boulevard et se retrouve sur le trottoir d'en face. Merci les Bordelais.

Après notre petite virée, retour à la maison, pour le rituel : manger et dodo, ou presque dodo. En effet durant la nuit l'aviation allemande nous gratifie d'un bombardement en règle.

Bordeaux bombardé.

Dans la journée du 13 juin, les oreilles sont collées au poste de radio afin de connaître, si possible, la position de l'ennemi et je me pose des questions sur l'attitude à prendre. Nouvelle nuit de bombardement.

Les jours suivants je me rends le matin à la caserne Achard pour faire viser ma permission comme il me l'a été demandé et je fais cela pendant quelques jours. Les informations journalières nous signalent l'avancée des Allemands . Ils ont franchi la Loire le 16 juin.

Le 20 juin au matin, alors qu'au cours de la nuit un très gros bombardement a eu lieu sur la ville je dis à mon épouse que je vais rejoindre les copains à la caserne Achard, ma place étant à leur côté, et de toutes façons je ne tiens pas à me retrouver prisonnier.

Après avoir bu mon café et rassemblé mes quelques affaires personnelles, je quitte les miens en leur disant - Peut-être à ce soir !

Arrivé à la caserne Achard ,que je trouve presque vide, je me rends au bureau administratif, non sans jeter un regard vers la porte où j'aperçois un side-car allemand. Les copains me disent d'embarquer dans le train se trouvant à une centaine de mètres et l'on me donne au passage un billet de 1.000 francs.

Les commentaires

Ecrit par Anonyme
le 2007-09-01 à 00:08:43

Souvenirs inoubliables
A cette époque , en juin 1940 , nous avons évacué Paris dans l'un des derniers trains qui est arrivé à Bordeaux la veille du bombardement des allemands . Nous habitions rue d'Arès (devenue rue G. Bonnac ) .Nous avons vécu cette période fort bien décrite par le récit du matelot Hilaire André Wadoux . Je dois dire que je n'étais qu"un enfant de 8 ans qui a été trés marqué par ces dramatiques évènements .

Ecrit par JEAN FONTENEAU
le 2007-08-24 à 11:58:23

Absolument remarquable !

Merci pour ce témoignage alors que je suis justement plongé dans AMouroux et les mémoires de Rémy !