Sous-marins dits nucléaires

La génèse de la propulsion nucléaire en France

Article publié le samedi 9 avril 2005
Extrait de l'ouvrage qui regroupe l'intégralité des conférences présentées lors du colloque "1899 / 1999, un siècle de construction sous-marine" qui s'est tenu les 25 et 26 octobre 1999 à Cherbourg

La génèse de la propulsion nucléaire en France

Depuis toujours, le rêve du moteur unique a hanté les sous-mariniers. Jules Verne avait montré la voie dès 1870 avec "Vingt mille lieues sous les mers". Plus près de nous, pendant la deuxième guerre mondiale, après le progrès apporté par le schnorchel, on citera l'ambitieux système Walter à l'eau oxygénée. La propulsion nucléaire allait apporter la solution sous l'impulsion de Rickover. En février 1955 le Nautilus (N°2) prend la mer. La vocation de "Capital Ship" du sous-marin nucléaire se dessine, en raison de la menace imparable qu'il fait planer, qu'il s'agisse des sous-marins nucléaires d'attaque comme on a pu le voir lors de la guerre des Malouines, ou des sous-marins nucléaires lance-engins, "ultima ratio" de la dissuasion nucléaire. - I - En 1955, la France décide de relever le gant, forte de son antériorité dans ce domaine, de Jules Verne aux brevets de l'équipe Joliot (mai 1939). Sans bien apprécier la difficulté, la France se lança ainsi dans la construction du Q 244, sous-marin nucléaire à l'uranium naturel et à l'eau lourde, entreprise abandonnée en 1958. En 1959, de nouvelles perspectives s'ouvraient avec l'accord américain de vente à la France d'uranium enrichi pour un prototype à terre de propulsion nucléaire (PA.T.), tout transfert de technologie étant exclu. Pour la petite histoire, on notera que l'Amiral Rickover, farouchement opposé à cet accord favorisa celui-ci bien involontairement. Lors des débats devant le Congrès, un intervenant demanda à l'amiral : "Y a-t-il une chance que la France réussisse à mettre au point un réacteur de propulsion ?" Rickover répondit : "Pas la moindre chance". L'intervenant conclut alors : "En ce cas, l'accord de cession d'uranium enrichi peut être signé". Tandis que l'entreprise Q 244 avait été conduite par un tandem Marine C.E.A., la maîtrise d'ouvrage du P.A.T. (Prototype à Terre) allait être confiée à un Groupe de propulsion nucléaire (1) (G.PN.) au sein du C.E.A., mais dont le chef serait cependant choisi par la Marine. (1)Ce groupe allait prendre par la suite l'appellation de " département " (D.P.N.), plus conforme à la terminologie du C.E.A. Lorsque je fus désigné pour ce poste, au printemps de 1959, j'étais depuis huit ans au Service des appareils moteurs à vapeur de l'Etablissement des constructions et armes navales (E.C.A.N.) d'Indret (près de Nantes), et mes deux principaux pôles d'intérêt étaient le programme naval d'après-guerre. qui battait alors son plein, et la toute nouvelle station d'essais de groupes moteurs à vapeur, unique en Europe continentale - travail passionnant et formateur. De là m'étaient venues un certain nombre d'idées sur les méthodes permettant de mener à bien des révolutions techniques en sécurité aux coûts et délais minimaux. Je me proposais d'appliquer ces idées, dont certaines étaient parfaitement hérétiques au demeurant, à la nouvelle entreprise qui m'était confiée. En dehors de celles qui concernaient directement la technologie, j'en citerai quatre principales : - Concevoir une opération type commando, menée par une équipe réduite mêlant ingénieurs du génie maritime et marins (une première !) et concentrant les responsabilités normalement assumées par plusieurs entités distinctes : état-major de la Marine, Constructions navales, maîtrise d'ouvrage étatique, maîtrise d'oeuvre industrielle, conduite des installations. - Importance de l'architecture générale, mais également des moindres détails de réalisation, une faiblesse ponctuelle pouvant compromettre l'ensemble. - Rôle clé des essais. Pour limiter les délais, autrement prohibitifs : conduite des étapes (de la technologie de base au sous-marin) en "série parallèle", chacune étant lancée sans attendre l'achèvement de la précédente, mais en gardant toujours une avance suffisante, entre l'aboutissement de l'une et celui de la suivante, pour pouvoir "rectifier le tir" en temps utile si nécessaire. - Recours aux paris généralisés à tenir (prix et délais) ou dépasser (performances). Ce n'est qu'à l'issue d'un combat solitaire assez éprouvant mené jusqu'à la fin juillet 1959 que je réussis à imposer mes vues, tout en choisissant un certain nombre d'options (2) nécessaires pour démarrer le projet, et en sélectionnant les personnes destinées à constituer le noyau du Groupe propulsion nucléaire à compter du mois de septembre 1959, soit une douzaine de personnes (dont quatre projeteurs en mission temporaire et une secrétaire). Le point fort de cette quête fut ma rencontre, courant juillet, à l'occasion d'un déjeuner à la cantine de Saclay, avec Jean-Louis Andrieu, commandant réputé de sous-marins, désigné pour commander le Q 244. Après quelques étincelles, le courant passa, ce qui permit de constituer un tandem d'une efficacité redoutable, en réalisant une alliance étroite et inédite entre les points de vue technique et opérationnel. (2)En particulier acceptation de l'ébullition locale dans le réacteur, ce qui permettait de gagner un facteur trois sur la puissance de pompage primaire: II - De la demande de la Marine à la mise en service du PA.T. II - 1 - L'avant projet. Le 11 septembre 1959, les caractéristiques demandées par la Marine pour l'installation de propulsion nucléaire nous étaient adressées. En une page, l'essentiel était dit (3). (3) Actuellement, pour un matériel classique, ce sont plusieurs milliers de pages que l'on doit lire pour la consultation. On ne lésine pas sur les contraintes... quant à l'imagination... Pour autant que l'on pût en juger, les performances visées se situaient au niveau de la troisième génération de réacteurs américains. L'avant-projet était demandé pour le 15 novembre 1959. La Marine, sans doute libérée par le recul qu'elle avait été amenée à prendre, ne s'embarrassait manifestement pas de complexes. Malgré les doutes émis par ceux qu'avait échaudés l'expérience du Q 244, le défi fut relevé et l'avant-projet remis le 17 novembre 1959. Quant aux délais, on prévoyait que le P.A.T. serait mis en service à Cadarache, au cours de l'été 1964. Ce délai de moins de cinq ans se comparait favorablement à celui observé pour les installations de propulsion classique. Il représentait à l'évidence un pari à la limite du raisonnable. De fait, l'ingénieur expérimenté que le CEA avait mis à ma disposition pour être chargé des infrastructures et du planning d'ensemble estima que la limite était largement dépassée et partit en claquant la porte de cette maison de fous. Le devis, lui, s'élevait à 180 millions de francs de 1959 (environ 1 500 millions de francs de 1999), et correspondait sensiblement au prix de trois chaufferies (4) (4) On reste dans les ordres de grandeur de la construction navale classique : coût du développement et de la construction d'un navire militaire prototype de l'ordre dé celui des deux premiers navires de série. Rappelons que, pour un avion militaire, le coût du développement est sensiblement équivalent à celui des cent premiers appareils de série. A titre d'exemple, le coût du développement des réacteurs destinés au Rafale a été estimé en 1987 à 8 milliards de francs, soit environ 10 GF 1999. Encore disposait-on d'un modèle : les réacteurs américains équipant le démonstrateur du Rafale. - Les figures 1,2 et 3 donnent une idée de la disposition du PAT : - Figure 1 : Schéma général. Il s'agit d'un réacteur à boucles (une seule des deux boucles est représentée), disposition "classique" qui permet de séparer les variables. De plus, la présence de deux boucles limite les conséquences d'une avarie sur un bord. - Figure 2 : Schéma d'une boucle primaire. Une seule des deux pompes est représentée. On peut remarquer le type particulier de fermeture de la cuve permettant de réduire au minimum le diamètre du couvercle (facteur-clé compte tenu de l'architecture d'ensemble). - Figure 3 : Tronçon de coque dans son bassin. On peut remarquer: A la partie supérieure, la coursive (partie avant seule représentée) permettant la circulation des personnes entre l'avant et l'arrière du sousmarin. On voit "la brèche" dans la coque permettant le déchargement du coeur. Une autre brèche, de plus faible diamètre (non représentée, à l'arrière de la coursive) permet de débarquer les autres matériels pouvant nécessité entretien ou remplacement, pompes primaires en particulier. - L'architecture générale avec l'ensemble - réacteur, piscine de protection neutronique, générateurs de vapeur (G.V ), pompes primaires - à l'avant du compartiment (5). - La compacité de l'ensemble : le volume de l'installation rapporté à sa puissance est sensiblement le dixième de celui de l'enceinte réacteur d'une centrale électronucléaire, ce qui donne une idée des efforts nécessaires pour parvenir au but recherché. - Le tracé du circuit primaire : la nécessité d'assurer la tenue aux chocs résultant des explosions sous-marines, ne permet pas de tolérer la libre dilatation des tuyauteries (avec déplacement des appareils reliés), particulièrement dans le sens transversal du navire (problème considéré comme insoluble par l'équipe du Q 244). L'avant-projet proposé fut approuvé, pratiquement sans observation, par le Comité de liaison Marine-C.E.A. et la décision de lancement fut prise le 18 mars 1960. (5) Les appareils situés sur la cloison arrière - pressuriseur, bâche de détente sous pression, circuit d'épuration - ne sont pas visibles sur la figure: II - 2 - Il ne restait plus qu'à passer à la réalisation : belle course d'obstacles en perspective ! Les années suivantes furent denses. On notera quelques étapes : - 9 avril 1962 : première divergence d'Azur, réacteur de faible puissance construit à Cadarache, utilisé pour la définition neutronique du coeur et des essais de protection primaire. -février 1963 : embarquement de la cuve du réacteur, construite par l'établissement d'Indret, comme les générateurs de vapeur, le pressuriseur et autres capacités sous pression. Le montage des circuits primaire et secondaire a été également effectué par les équipes d'Indret. - 14 août 1964: première divergence - à chaud - du P.A.T. - 19 août 1964 : prise d'autonomie électrique. Cette opération correspond pratiquement au couplage au réseau d'une centrale électronucléaire, bien qu'il s'agisse formellement de l'inverse. - 24 août 1964 : puissance nominale. Notons que le devis avait été respecté... à la surprise générale. La règle admise à l'époque au CEA était une multiplication par un facteur P du devis à la réalisation (ce sera P2 pour Pierrelatte). - Du 19 octobre au 18 décembre 1964 : Tour du monde fictif, soit 10.000 lieues sous les mers... seulement, mais un peu moins fictives que celles de Jules Verne. - Les figures 4,5 et 6 illustrent la phase d'exploitation. - Figure 4 : Poste central de propulsion (la coque a été matérialisée en Plexiglas). A droite, pupitre réacteur, à gauche : pupitre vapeur ; sur le côté : pupitre électricité on est lion des "salles de bal" en usage à terre. - Figure 5 : Vue d'ensemble de la zone du prototype à terre à Cadarache - réacteur en fonction. Le bâtiment abritant les réacteurs PAT et CAP (6) est à gauche de la figure. (6) Chaufferie Avancée Prototype qui sera évoquée plus loin. Le reste des bâtiments (pile Azur, halls d'essais, atelier combustible...) est partiellement masqué par le panache de vapeur des réfrigérants atmosphériques évacuant la chaleur rejetée par l'installation. II - 3 - Points saillants de la, mise en service du P.A.T, et des performances atteintes. Choix et prototypes Pour mettre le maximum de chance de notre côté, j'avais lancé la commande de trois prototypes de modèles différents pour les appareils électromécaniques les plus délicats - pompes primaires et mécanismes de croix de contrôle en particulier - avec l'espoir qu'au moins un des trois pourrait être mis au point. En fait, au moment du choix définitif, chacun des trois prototypes paraissait au point (non sans mal dans certains cas) et accumulait un nombre rassurant de milliers d'heures de fonctionnement. Le choix n'était pas évident. Finalement, on adopta une démarche en deux temps : élimination du modèle de composant le moins "séduisant" ; équipement des deux boucles avec deux modèles de pompes primaires différentes, mais interchangeables, et réalisation de deux couvercles équipés de modèles de mécanismes différents (7). (7) II était de toute façon souhaitable de pouvoir procéder à un échange " standard " de couvercles pour limiter au minimum les conséquences d'une défaillance de mécanisme. A l'usage, nous ne pûmes que nous féliciter des dispositions finales retenues. En effet, l'un des types de pompe donna lieu à des avaries systématiques au bout d'environ 10 000 heures de fonctionnement, ce qui conduisit à retenir l'autre type pour les sous-marins. De plus, les deux types de mécanismes installés en "massif' de seize, chacun sur un couvercle, donnèrent lieu à certaines défaillances qui n'étaient pas apparues lors des essais individuels. Cela conduisit à retenir, pour les sous-marins, un nouveau type de mécanisme réalisant une synthèse des dispositions les plus favorables des deux types retenus initialement pour le P.A.T. Protection Lors de la mise en service du P.A.T., si la protection contre les rayons gamma parut quelque peu surabondante, ce qui permit un allégement en partie haute, bienvenu sur les sous-marins (stabilité), on constata en revanche un flux neutronique excessif dans la coursive. Ceci correspondait à une sous-estimation de la fuite par l'espace annulaire entre cuve et piscine de protection. Un remède immédiat fut apporté en ajoutant une surépaisseur de polyéthylène sur le plancher de la coursive, en attendant de procéder à la surélévation du plafond de la piscine de protection ("rehausse piscine") au prix de travaux rendus assez délicats par la topographie du secteur. Notons qu'un problème de cet ordre a conduit à immobiliser pendant une quinzaine d'années le navire nucléaire expérimental japonais Mutsu, qui n'a pu effectuer ses essais finaux qu'en 1990. - Performances La puissance maximale a pu être poussée jusqu'à deux fois la puissance nominale en novembre 1966. Ceci donne une idée de l'efficacité des efforts consentis pour optimiser les performances du cceur (essais thermiques, aplatissement du flux neutronique, modulation de l'épaisseur des canaux entre plaques combustibles, etc.) et des générateurs de vapeur (séparation eau - vapeur). L'énergie fournie par le premier coeur (plaques métalliques à l'uranium très enrichi avec incorporation de poisons neutroniques consommables) a été près de deux fois supérieure à la demande initiale pourtant jugée ambitieuse. Ultérieurement, ont été mis au point des coeurs dits "à longue durée de vie" (à base de plaquettes d'oxyde d'uranium moyennement enrichi) quatre à cinq fois plus énergétiques, permettant d'assurer la propulsion d'un sous-marin pendant bien plus de la moitié de sa vie. - Fiabilité en service Une seule patrouille opérationnelle de S.N.L.E. a dû être interrompue à cause... d'une crise d'appendicite du médecin embarqué. Pendant des années - du temps de la guerre froide - trois S.N.L.E. ont été maintenus en permanence à la mer, pour quatre sous-marins dans le cycle opérationnel. Pourtant, un tel objectif avait d'abord paru totalement déraisonnable aux sous-mariniers les plus chevronnés. Il est clair que le soin apporté dans la conception, les choix et les mises au point technologiques, ainsi que la politique d'essais systématiques des composants et des sous-ensembles ont été payants. Le fait de disposer d'un prototype à terre ayant une avance de fonctionnement de plusieurs années sur les sous-marins en service a joué à l'évidence un rôle déterminant. Le P.A.T. a permis une expérimentation poussée avec des mesures approfondies impossibles à bord, ainsi que des interventions pour modification ou entretien non bridées par les contraintes opérationnelles. Son utilisation pour la formation approfondie des équipages a constitué également un apport irremplaçable. Il n'est pas possible de détailler ici toutes les avancées technologiques qui ont permis d'assurer la fiabilité des S.N.L.E. Je me bornerai à deux rapprochements avec les centrales terrestres (technique Westinghouse dérivée de celle des sous-marins américains) : -Contrôle commande. Grâce à Jean-louis Andrieu, sa fiabilité est proverbiale à bord de nos sous-marins, et si la protection de l'installation nucléaire est parfaitement assurée, les chutes intempestives de croix de contrôle du réacteur sont pratiquement inconnues sur le P.A.T. et les sous-marins (essentiel pour la fiabilité opérationnelle de ces derniers). Ce fait peut être rapproché de la centaine de chutes d'absorbants de contrôle observée en six mois sur le premier réacteur de la centrale de Chooz, avant son avarie de longue durée. - Générateurs de vapeur (G. V ). Aucune avarie de tube de G. V. n'a été observée sur le P.A.T. ni sur les S.N.L.E. Le choix des matériaux, les conditions de température et l'allure habituelle de fonctionnement, modérées, ont certainement joué un rôle favorable. On doit également mentionner que des dispositions efficaces ont été prises d'origine (plans de 1960) pour éviter la formation de poches de vapeur sous les plaques entretoises destinées à maintenir transversalement les tubes. Ce n'est qu'après de nombreuses avaries en service que des dispositions analogues ont été adoptées par Westinghouse (plans de 1976). -Sécurité Les problèmes de sécurité ont en permanence figuré au premier rang de nos préoccupations, et notre philosophie a toujours été qu'il fallait à toute force éviter qu'un incident, mineur au départ, ne fasse "tache d'huile" et ne puisse mettre en péril l'installation (il faut bien évidemment éviter en particulier tout risque de dénoyage du coeur). Ceci nous conduisit, à l'époque, bien au-delà de la philosophie américaine, qui se focalisait trop exclusivement sur "l'accident maximum croyable". Cette préoccupation constitue toujours un impératif, et l'exemple de Tchernobyl montre ce qu'il peut en coûter de l'oublier, mais "l'incident" de Three Mile Island, qui entraîna la fusion du coeur, à partir d'un incident mineur, souligne les limites de la doctrine de base américaine. On notera que, sur le P.A.T. ou à bord des sous-marins, compte tenu des dispositions constructives retenues, la séquence observée à Three Mile Island aurait été stoppée au moins à trois étapes successives avant la mise en danger du coeur. Pour s'en tenir aux deux derniers stades de la séquence observée à Three Mile Island (coincement ouvert de la soupape de décharge du pressuriseur, déversement de la bâche de détente dans l'enceinte de confinement), les dispositions adoptées sur le PA.T. pour éviter de tels risques sont les suivantes : - dispositif purement statique évitant toute montée de pression dans le pressuriseur en cas d'intrusion d'eau en provenance du circuit primaire. On a vérifié à de multiples reprises que les intrusions consécutives à une interruption brutale du débit de vapeur (fermeture des soupapes d'arrêt) ne provoquaient effectivement aucune montée de pression dans le pressuriseur (donc aucun risque d'ouverture de soupape de sûreté de celui-ci) ; - timbrage de la bâche de détente à une pression supérieure à la pression d'équilibre s'établissant en cas de coincement ouverte de la soupape de sûreté du pressuriseur. III - La deuxième génération de réacteurs embarqués Les réflexions à ce sujet ont commencé en 1966. Se demandant quelles étaient les principales améliorations souhaitables, on en a retenu trois prioritaires : - le silence, qui est une préoccupation de plus en plus dominante ; - la réduction de la masse, pour permettre l'application à des bâtiments de moindre tonnage tels que des sous-marins d'attaque (S.N.A) d'un prix abordable pour notre Marine ; - la rapidité du montage à bord, avec réduction des interférences entre le montage de la chaufferie nucléaire (phase "propre" en particulier) et le câblage électrique général du bâtiment. La solution retenue a été l'intégration du circuit primaire principal, en résistant à la tentation d'intégrer le pressuriseur, complication sans bénéfice pour les objectifs visés. Les avantages en sont spectaculaires : - le fonctionnement du circuit primaire a lieu en circulation naturelle aux allures de croisière (silence pratiquement total). Même à grande allure, la source d'excitation est nettement diminuée (pompes de faible puissance) et la transmission des bruits est filtrée par la masse importante de l'ensemble cuve G.V Le supportage de cet ensemble au voisinage de son centre de gravité favorise par ailleurs sa résistance aux chocs. - la masse d'ensemble de la chaufferie est ramenée de 700 à 400 tonnes, à performances égales (principalement en raison de la réduction de la masse de protection rendue possible par la compacité du bloc primaire principal). Ceci a permis de réaliser les S.N.A. les plus petits du monde. - la durée de montage (chaufferie et sous-marin) est massivement réduite. Une Chaufferie Avancée Prototype (C.A.P.) conforme à ces principes a pu être lancée en 1970, pour être mise en service en 1975. - Figure 7 Schéma. Le générateur de vapeur (unique) joue le rôle de couvercle du réacteur. Le circuit primaire principal disparaît ce qui allège considérablement les travaux de montage (phase propre). - Figure 8 Chaudière avancée prototype. La compacité de l'ensemble est frappante comparée au P.A.T.. On notera que les guides de tiges de croix de contrôle sont insérés dans le faisceau tubulaire du générateur de vapeur. Les mécanismes correspondants sont disposés horizontalement, la commande se faisant par crémaillères (les mécanismes sont simplifiés par rapport à la génération PA.T.). La coursive permettant de circuler entre l'avant et l'arrière du bâtiment est située en abord. Elle abrite les câbles électriques du réseau général du sous-marin. Ceci limite au minimum les interférences entre chaufferie et reste du bâtiment, aussi bien lors de la construction que lors des opérations d'entretien : déchargement du coeur en particulier. La solution du réacteur compact dérivé de la C.A.P. a été retenue pour les sous-marins nucléaires d'attaque, les sous-marins nucléaires lance-engins de nouvelle génération (S.N.L.E N.G.) et le porte-avions nucléaire (P.A.N. deux réacteurs), ces deux derniers types de bâtiments étant équipés du même modèle de réacteur. A la fin des années 80, on pouvait penser que la propulsion nucléaire avait atteint sa maturité (8). (8) De fait, lorsque les Canadiens ont envisagé de se doter de sous-marins à propulsion nucléaire (1987 - 1988), à l'issue d'une sortie à la mer au large de Halifax (en novembre 87 si mes souvenirs sont exacts) au cours de laquelle j'ai eu l'occasion de présenter un de nos SNA au ministre de la défense canadien, celui-ci a porté son choix sur le modèle français de préférence au modèle anglo-américain. L'affaire n'alla pas plus loin, le Pentagone, à l'origine favorable à l'idée de voir les Canadiens se doter de sous-marins nucléaires, ayant soudainement pesé de tout son poids pour les faire renoncer à l'opération. Depuis, le drame de l'Emeraude et les avatars du porte-avions Charles de Gaulle - 35 ans après le démarrage du P.A.T. ! - ont rappelé, hélas, que rien n'était définitivement acquis, et que l'expérience était décidément intransmissible. On peut également noter que l'évolution de la réglementation en matière de sécurité nucléaire et celle de l'organisation de la DGA ont pris sur bien des points le contre-pied des concepts qui ont sous-tendu le succès de l'entreprise lancée en 1959

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