Historique du sous marin DORIS

Doris I - Brest - Le 27 novembre 2004, hommage aux sous-mariniers disparus - Le récit de la journée et quelques photos souvenirs

Article publié le vendredi 24 déc. 2004

 

 

Allocution prononcée au nom des familles par le Capitaine de Vaisseau Jacques FAVREUL, fils aîné de Commandant de la Doris I

- Amiral Jean-Louis BATTET, chef d'état-major de la Marine, - Rear-admiral Paul LAMBERT, commandant les forces sous-marines de la Royal Navy, - Messieurs les officiers généraux, - Messieurs les anciens sous-mariniers, - Mesdames, - Messieurs, Au nom de toutes les familles dont je me fais le porte-parole, permettez-moi Amiral, de vous remercier d'être spécialement venu, en cette journée annuelle du sous-marin, pour présider cette émouvante cérémonie d'hommage aux disparus du sous-marin Doris, en présence de leurs familles maintenant réunies. Nous remercions l'amiral commandant les forces sous-marines de la Royal Navy d'avoir bien voulu nous honorer de sa présence dans le souvenir des trois sous-mariniers britanniques disparus aux côtés de leurs camarades français. Ensemble nous remercions l'amiral commandant les forces sous-marines et la force océanique stratégique, ainsi que le capitaine de vaisseau commandant l'escadrille des sous-marins nucléaires de Brest, de l'accueil chaleureux qu'ils nous ont réservé. Nous témoignons notre vive reconnaissance aux anciens sous-mariniers venus avec le président de l'Association Générale Amicale des Anciens des Sous-Marins en nombreuses délégations en particulier celle de Dunkerque qui s'honore de porter le nom du sous-marin Doris, et avec eux nous sommes particulièrement sensibles à l'honneur conféré à l'Escadrille à qui la garde du canon de la Doris est aujourd'hui confiée. Ce canon en effet constitue pour tous un symbole d'autant plus poignant qu'il est désormais, sur le sol de notre Patrie, l'unique fragment d'une épave aujourd'hui recouverte par les sables et qui à jamais restera la tombe des 45 hommes de l'équipage morts pour la France et pour la cause de ses Alliés. Nous avons la joie de voir accueillis parmi nous, venus des Pays-Bas, MM. Hans Van Leeuwen et Ton Van der Sluijs, ces plongeurs à qui nous devons aujourd'hui redire avec force toute notre reconnaissance : autant avait-il été attristant pour les familles qu'il n'ait pas été décidé, dès la fin de la guerre, de faire rechercher la Doris, autant, par leur découverte, ils ont permis que les honneurs soient enfin rendus par la Nation aux hommes de son équipage, 64 ans après leur disparition. Je tenais à souligner devant eux - parce qu'il n'a d'égal que leur discrétion - le courage dont ils avaient du faire preuve en ayant su maîtriser l'appréhension ressentie, lorsque, à plusieurs reprises l'été 2003, seuls à bord de leur chaloupe, en pleine mer et sans l'assistance possible d'aucun autre bâtiment, ils s'étaient déterminés à plonger dans des eaux troublées et par un fort courant, à la recherche d'une épave inconnue qu'il voulait résolument identifier. Je tenais à dire aussi, l'émotion qu'ils m'ont confié avoir ressentie à la pensée que leur découverte une fois connue, puisse raviver notre peine. Oui, cette peine, l'éloignement du temps ne l'effacera pas, aussi, en ce moment du souvenir, nous pouvons avec eux compatir à la douloureuse épreuve que subirent des parents, des épouses, particulièrement celles et ceux maintenant décédés, lorsque vers le 20 mai 1940, la disparition en mer de leur fils, de leur mari, leur fut annoncée, et cela sans que par la suite aucune révélation ne leur ait jamais été faite sur les circonstances de la perte du sous-marin ou sur la recherche d'éventuels survivants, laissant même certaines familles dans le doute cruel qu'avait suscité pendant l'occupation de la France, la rumeur de l'internement en Angleterre des marins de la Doris que des agents à la solde de l'ennemi avaient intentionnellement répandue. De plus en plus nombreuses en effet sont aujourd'hui les personnes à nous dire leur apaisement et celui de leur mère en vie et très âgée, de pouvoir enfin apprendre, avec certitude, comment leur être cher avait péri au combat. Je relaterai donc, en limitant à ses grandes lignes le récit des évènements, ce qu'avaient confié à ma famille les sous-mariniers qui venaient de prendre part aux opérations et aussi ce que plus tard j'ai pu apprendre par la consultation d'archives et d'ouvrages jusqu'alors inédits. Le 14 février 1940, la Doris et les trois autres sous-marins de la 13ème division avaient quitté Toulon pour effectuer dans les parages de Bizerte la nécessaire remise en condition qu'appelait la fin d'importants travaux de réparation. Cet entraînement au combat dut être abrégé car les sous-marins reçurent l'ordre d'appareiller pour l'Angleterre pour y être placés sous commandement britannique avec huit autres sous-marins français. Ils y arrivèrent le 14 avril, après un court séjour à Brest, où l'on ne put subvenir que sommairement aux défaillances de leurs équipements. L'arsenal de Toulon en effet n'avait pu mettre en oeuvre de véritables palliatifs au vieillissement des matériels de ces quatre sous-marins. Cependant, la fréquence anormale des avaries rencontrées depuis leur départ de Toulon, attribuée à de possibles sabotages, avait justifié que soit ordonnée une enquête dont le verdict n'est pas parvenu jusqu'à nous. Ainsi, le compresseur de l'un de ses diesels en avarie, la Doris dut interrompre sa première patrouille et retourner le 25 avril sur un seul moteur à sa base de Harwich. Le ravitailleur Jules Verne, chargé de l'entretien de douze sous-marins n'étant pas suffisamment équipé, le matériel spécifique demandé en France ne pouvant plus être acheminé, l'ingénierie navale ne put conseiller à distance qu'une solution précaire de dépannage pour la Doris, cependant que le chef du groupe français rendait compte de l'indisponibilité du sous-marin et demandait en vain son remplacement par un autre sous-marin de métropole, et alors même que l'Orphée, l'un de ses moteurs électriques définitivement en panne, abandonnait sa patrouille et retournait à Cherbourg pour s'y faire réparer. Le 3 mai, certain que l'ennemi s'apprêtait à envahir la Hollande et devant la possibilité qu'il y débarque des troupes par la mer, le commandement britannique fit établir par tous les sous-marins de Harwich, le long des côtes, un barrage continu. Pour éviter coûte que coûte les méprises, la tactique ordonnée, très risquée, leur imposait de n'attaquer un autre sous-marin que s'ils l'identifiaient formellement comme ennemi. De surcroît, à cette époque, comme le commandement allié le suspectait fortement, - cela nous fut confirmé après la guerre - l'ennemi déchiffrait les messages et connaissait ainsi la position de tous les sous-marins alliés. Le 7 mai, devant l'imminence de l'invasion et la présence signalée de deux sous-marins ennemis, pour resserrer plus encore le barrage, le commandement britannique ordonna l'appareillage immédiat de tous les sous-marins non totalement immobilisés. Recevant cet ordre que lui transmettait le chef du groupe français, le commandant de la Doris, malgré le danger que tous avec lui pressentaient, accepta la mission. A bord de la Doris, à cet instant, ce fut la déception mais bientôt les hommes, avec un courage édifiant, surmontèrent leurs craintes et n'attendirent plus que le secours de la Religion. Conscient comme eux du grave péril qu'ils allaient affronter, l'aumônier du groupe donna aux équipages des sous-marins à l'instant de leur appareillage la bénédiction dite in articulo mortis, celle que l'on donne devant les grands dangers. Le 8 mai à 23 h 15, leur sous-marin patrouillant en surface, les hommes de l'Amazone observèrent soudain à l'horizon, déchirant l'obscurité, une immense lueur et perçurent aussitôt le bruit de violentes explosions. Ils furent certains d'avoir assisté, sans pouvoir en déterminer la cause, à la fin brutale de la Doris qui patrouillait alors dans le secteur voisin. L'U-9, petit sous-marin à la silhouette confuse évoluant silencieusement au milieu de nombreux bateaux de pêche, venait de torpiller la Doris trahie par la vision qu'offraient son flanc éclairé par la lune et son sillage phosphorescent. Me fondant aussi sur les témoignages écrits que nous ont laissés les sous-mariniers allemands, je dirai encore le sentiment de remords qui les anima, devant la violence d'une explosion qui avait instantanément provoqué la mort certaine de frères d'arme, fussent-ils alors leurs ennemis. Après que ses hommes eurent à subir avec abnégation l'état défectueux de leur bâtiment, ainsi finit la Doris, choisie par le sort parmi les nombreux sous-marins qui opéraient avec elle, pour être l'unique cible offerte à l'adversaire qui ne trouva pas de survivants. Je voulais dire enfin que les propos que je viens de tenir au nom des familles dont je suis sûr qu'elles partagent avec vous tous mon sentiment, n'avaient pas pour objet, malgré l'amertume qu'ils inspirent, de provoquer nostalgie ou stérile apitoiement, car nous sommes enfin heureux que puisse être perpétué, aux yeux de nos contemporains et des générations à venir, la mémoire de nos aînés nos pères qui profondément animés du sens du devoir avaient fait pour notre Pays le sacrifice de leur vie. Je vous remercie.

Liliane SYLVESTRE,petite fille du Premier Maître mécanicien Maurice LE SCELLER nous a traduit et transmis le message adressé le 27 novembre aux familles des victimes de la "DORIS I" par Hans Martin Van Leeuwen et Ton Van Der Sluijs, les deux plongeurs Hollandais qui ont découvert l'épave.

Bonjour ma très chère Liliane. Samedi (27) était un jour très impressionnant pour nous tous. Hans et mois étions très honorés par les décorations et l'honneur que nous ont fait la marine nationale française et les familles. Quand les gens nous ont applaudis, je ne savais plus où regarder, mais j'ai caché ma timidité et essayé de remercier tout le monde. Ce qui nous a touché plus profondément, ce sont les larmes, les émotions profondes des gens qui nous ont remercié d'avoir retrouvé la Doris. Je me suis senti bête à cause du fait que je ne parle pas le français ; à ce moment là, j'aurais tellement aimé pouvoir les écouter, leur parler de la Doris, leur parler de ce que j'ai ressenti à ce moment là, et j'ai du me battre contre mes larmes, parce que tant de gens avec tant de sentiments de reconnaissance à notre intention n'arrive qu'à peu de gens dans une vie. Lili, pourrais tu traduire nos impressions et les transmettre à sous-mama.Org ? Parce que je n'ai pas pu leur dire ce que j'ai ressenti uniquement à cause du (problème de) langue. Si nous retrouvions une autre épave, nous referions de même. Avoir ôté un gros fardeau de peine des épaules des gens (des familles) est la meilleure chose que l'on puisse faire dans une vie. Toute mon amitié. Ton. -Merci à notre ami Jean-Paul NADEAU de la section Minerve pour sa promptitude, il permet à ceux qui étaient absents à cette journée exceptionnelle de profiter de ces moments d'émotion...!

La journée en photos

Une journée remplie d'émotion et de convivialité - Le récit de cette journée par notre ami José VASSEUR, membre et Président d'honneur de la section Doris des sous-mariniers de Flandres-Artois

La journée du 27 novembre 2004 dédiée aux sous-mariniers se déroulait cette année dans le port de Brest.Elle était aussi une journée dédiée au sous-marin "Doris" disparu en mai 1940 et dont on avait retrouvé l'épave en 2003. Elle a commencé par un service religieux en l'église Saint-Louis. La participation était très forte. Il y avait une grande représentation de la Marine Nationale avec les délégations des sous-marins nucléaires lanceurs d'engins et du sous-marin nucléaire d'attaque "Casabianca" de passage à Brest, les représentants des familles de la "Doris" , de la Royal Navy et de la Marine Hollandaise, et les anciens sous-mariniers eux aussi très nombreux. L'église que l'on sait grande était emplie à 80 % . Au cours de l'office célébré par le curé de la paroisse et l'aumônier des sous-marins, une descendante d'un membre de la "Doris" lut un petit poème très émouvant à la mémoire des disparus. Le cortège qui se rendit ensuite au monument du Narval s'étirait dans la rue de Siam sur près de 300 mètres. Au monument nous attendait un piquet d'honneur ainsi qu'une garde où chaque homme portait le fanion d'un sous-marin. Les hommes en armes étaient sous-les ordres d'un capitane de frégate féminin . Des gerbes furent déposées par la marine Nationale, l'AGAASM, les familles de la Doris et les sous-mariniers de la section "Minerve" de Brest organisatrice avec la Marine Nationale d'une partie de cette journée. Des cars emmenaient ensuite la totalité des participants au Centre Roland Morillot, centre d'entraînement des sous-mariniers. En ce lieu où était exposé le canon de la "Doris" récupéré en mer du nord se déroula une cérémonie bien émouvante. Elle commença par un petit discours de l'Amiral Battet, Chef d'État-Major de la Marine puis par une évocation de la fin de la "Doris" par Jacques Favreul fils du Commandant de la "Doris" en mai 1940. Cette journée de la "Doris" n'a pu être possible que grâce à deux plongeurs hollandais et honneur leur fut rendu. Ils reçurent la médaille de la défense nationale "échelon bronze" des mains du Chef d'État-Major. Il y eut ensuite la lecture des noms des membres de l'équipage, chaque nom étant ponctuée par un coup de cloche. Cloche qui portait le nom de "Doris" 1944 et qui pourrait être celle du sous marin " Doris" ex "Vinhead" prêté par la Royal Navy en 1944. La partie officielle étant terminée la partie famille commença, avec un vin d'honneur et un buffet qui fut comme toujours dans la "Royale"parfait tant dans la composition que le service. Ce fut pour beaucoup l'occasion de retrouver des amis qu'ils soient amiraux ou quartier maîtres. On notait une forte participation d'anciens commandants depuis devenus amiraux. L' après-midi fut consacré à la visite du centre d'entraînement ce qui ne se fait que très exceptionnellement. Une visite très appréciée par les anciens qui eux n' avaient jamais connu cela. Une journée très réussie . - La journée dans le magazine n°168 Prévoyance du Groupement Militaire de Prévoyance des Armées

dans le n° 2723 du magazine de la Marine est de la mer "Cols bleus"

Contactez Liliane SYLVESTRE Contactez Gilbert CLOATRE Contactez Luc PERRUCHOT Contactez José VASSEUR Contactez Ton Van Der Sluijs

 

Les commentaires

Ecrit par GILBERT LE SCELLER
le 2004-12-21 à 23:35:51

locmaria le 21 decembre 2004.
j'ai reçu ce matin le dossier complet de la journee consacrée au SM DORIS 1.
UNE GRANDE EMOTION M'A ETREINT.
MERCI A LA MARINE DE tout mon coeur d'avoir réalisé cette Journée exceptionnelle pour les familles du DORIS.
LA SOUS MARINADE EST VRAIMENT UNE FAMILLE D'EXCEPTION ET CECI A TRAVERS L'HISTOIRE.

ENCORE MERCI A TOUS CEUX QUI ONT DONNE LEUR TRAVAIL A CETTE JOURNEE QUI FERA DATE DANS LA MEMOIRE DE BEAUCOUP DE FRANCAIS

EN TANT QUE PETIT FILS DU PM MECANICIEN MAURICE LE SCELLER , JE VOUS ADRESSE MES FELICITATIONS POUR CE DEVOIR DE MEMOIRE REALISE DANS UNE PARFAITE COMMUNION ENTRE LES ANCIENS ET LES ACTIFS.

GILBERT LE SCELLER.

Ecrit par Anonyme
le 2004-12-12 à 19:25:57

Exceptionnelle manifestation ; que leurs auteurs en soient félicités .
La ROYALE et , pour nous La "SOUS-MARINADE" est une sacrée famille .
Merci à ceux qui nous font vivre ces moments-là.

D.MARECHAL