Les Officiers Mariniers des Hauts de France

2008 - Lyre - Le chasseur de mines de type Eridan (tripartite) escale à Dunkerque du 10 au 14 mars

Article publié le mercredi 19 mars 2008

Le Lyre     M648

Est un chasseur de mines du type "tripartite" (CMT). Les chasseurs de mines du type "tripartite" (parfois dénommés pour cette raison CMT) ont été construits en coopération entre la France, la Belgique et les Pays-Bas pour les besoins de ces 3 pays. Ce type de bâtiment a été adopté également par l'Indonésie et le Pakistan Le lundi 10 mars 2008 est entré au port de Dunkerque un petit bâtiment, gris et trapu portant le N° M 648. Pour les anciens de la Royale ils savent que cette lettre M est attribuée aux dragueurs de mines, maintenant on ne drague plus on chasse les mines. Le travail est certes le même que le dragage mais avec des méthodes et des moyens différents. C'est le mauvais temps qui l'a obligé de faire relâche à Dunkerque. Surtout ne pensez pas que nos marins ne sont pas capables de tenir la mer, mais il se trouve que ce bateau pour travailler; comme le bâtiment hydrographe Borda que nous avons vu à Calais; a besoin pour effectuer sa mission d'une mer un peu plus calme qu'elle ne l'était ces derniers jours.

En effet il doit explorer un secteur en faisant ce que l'on appelle des rails c'est-à-dire des routes bien parallèles. Si la houle ou le vent sont trop forts il sera déporté, chassé de sa route et les moyens dont il dispose pour lui permettre de faire les rails ne pourront rien y faire. Il y aura donc des zones non contrôlées et le matériel sera abîmé. Nous avons profité de cela pour solliciter une visite particulière afin de vous en faire profiter et vous expliquer un peu comment il travaille et avec quoi. Le Commandant de la Lyre, le Lieutenant de Vaisseau SIRET Hervé a répondu favorablement à notre demande et c'est avec le Lieutenant de Vaisseau BENQUET; le commandant en second; un sous-marinier que nous avons fait cette visite. Nous ne pouvions mieux trouver pour guide. Tout d'abord il est bon de rappeler que la coque de ce bâtiment est en composé verre résine ce qui le rend amagnétique mais que cette particularité est doublée d'un circuit d'immunisation qui diminue encore plus la signature magnétique. Nous avons débuté par la passerelle où se trouvent les commandes ou les informations pour l'exécution de la mission. Nous avons été surpris par la barre, fini la roue ou le joystick, c'est une molette que l'on oriente à droite ou gauche.

Il y a deux systèmes pour diriger le bâtiment soit directement avec la molette ce qui est utilisée en transit et en manœuvre de port ou un pilote automatique pour la navigation en rails ou en transit dans des zones peu fréquentées. Pour la propulsion il a également deux systèmes. Pour le transit un moteur diesel de 1900 cv qui actionne une hélice à pas variable. Pour la chasse qui se fait à vitesse réduite ce sont des gouvernails actifs. Explication : il y a deux gouvernails et chacun d'eux est équipé d'un moteur électrique (comme les pods). Ce système apporte plus de souplesse pour les manœuvres cela est complété par un propulseur d'étrave. L'électricité leur est fournie par 3 turbines à gaz se trouvant sur le pont principal. Seuls ces deux modes de propulsion sont commandés de la passerelle.

Le diesel de propulsion est commandé deux ponts plus bas dans un local, armé en permanence. Dans le même PC on trouve la commande du pilote automatique. Des écrans et répétiteurs informent la passerelle. Il y a bien entendu tous les appareils nécessaires à la navigation, radar, sondeur, anémomètre (force et direction du vent), allumage des feux, radio etc.

 

Au plafond l'on trouve également la commande de deux projecteurs situés au-dessus de l'abri navigation, projecteurs qui servent à guider un navire suiveur du chasseur dans un chenal lorsqu'une zone n'a pas été entièrement neutralisée.

Nous descendons au pont inférieur que l'on appelle "Pont teugue" où se trouve le central opération de la chasse aux mines. Grand local aux nombreux écrans.

Autrefois on ne chassait pas la mine on la draguait soit mécaniquement avec un paravane pour les mines à orins soit un cable électrique pour les mines magnétiques. Une mine à orin est un gros flotteur tenu à une certaine profondeur par un crapaud qui se trouve lui sur le fond. Il fallait casser une des antennes du flotteur pour la faire exploser. La mine magnétique plus intelligente se trouve sur le fond mais dispose d'un mécanisme qui permet de la rendre active à une date bien précise après le passage d'un certain nombre de bâteaux et d'un certain tonnage. On peut également programmer sa désactivation. Maintenant on chasse la mine et il y en a encore beaucoup. Pour la chasse, le bâtiment dispose d'un sonar rétractable qu'il descend afin de pouvoir étudier les fonds et qui a une portée de 1200 mètres. Lorsqu'un écho est visible sur l'écran il faut savoir ce que représente cet écho. Cela peut être n'importe quoi, une ancre perdue, une ligne de mouillage ou tout autre objet métallique (fût, container,.....) sauf un mine. Un adjudant de CO reçoit ces informations qui sont transmises à l'officier de quart opérations qui, lui, décide ou non de poursuivre l'investigation en examinant l'écho sous toutes ses faces.

L'examen terminé l'écho est classé avec des lettres repères et sa position est enregistrée. Sur un écran situé à droite de l'officier de quart est représenté le secteur de recherches et le résultat de ces recherches. Il y a beaucoup de lettres "R" (rocher) mais aussi un point rouge . C'est une mine. Elle sera détruite dès le départ de Dunkerque.

Si le doute subsiste il peut ordonner la mise à l'eau du P.A.P. "Poisson Auto Propulsé". Un petit sous-marin que l'on met à l'eau lié au bâtiment par un câble et qui va aller examiner la découverte. Il a un rayon d'action de 600 mètres. Il est mu par deux petits moteurs électriques commandés du CO. La caméra dont il dispose retransmet les images.

S'il s'agit d'une mine, deux opérations sont alors possibles et elles sont liées à la profondeur. Jusque 60 mètres ce sont les plongeurs démineurs qui iront poser une charge explosive sur l'engin, s'écarteront de la zone et "pétarderont". Si l'immersion est supérieure à 60 m Le P.A.P. sera équipé d'une charge explosive qu'il ira déposer au plus près de l'engin, se retirera et il sera alors procédé à la mise à feu de la charge. Un chasseur de mines ne saurait s'aventurer dans une zone qu'il sait minée sans assurer sa propre sécurité. Il dispose d'un autre engin le S.P.I.V : "Sonar à Propulsion et Immersion Variable". Un autre sous-marin guidé par fil (fibre optique) mais qui, lui, dispose d'un sonar et d'une caméra et que l'on peut envoyer jusqu'à 500 mètres en avant du bateau ou dans les eaux peu profondes. Il est l'œil avancé du bateau. Les informations qu'il transmet sont traitées de la même façon que le sonar de coque.

Un tableau de distribution électrique se trouve dans la coursive.

Sa situation s'explique par les nombreuses utilisations de l'électricité nécessaire à la chasse aux mines. A ce même niveau se trouve la salle à manger du Commandant.

 

la chambre du Commandant, le P.C. telec et les logements officiers. Avant de descendre au niveau inférieur nous pouvons contempler le tableau de chasse du bâtiment. Les engins découverts, le lieu et leur origine. Nous voyons que dernièrement il a été découvert une torpille en mer Baltique, tableau sur lequel viendra figurer la mine découverte au cours de la semaine et qui sera détruite dès le départ de Dunkerque.

Le pont situé en-dessous est le "pont principal". Il est le pont où sont logés les Officiers Mariniers avec les chambres et le carré des Officiers Mariniers, la cuisine,

la cafétaria, le secrétariat, l'infirmerie, le vestiaire des plongeurs, et aussi le poste de sécurité avant. Tout cela est parfaitement entretenu.A l'avant de la coursive il y a un grand espace libre et une brèche dans le pont, ainsi qu'au plafond. C'est le passage du sonar lorsqu'il est débarqué.

Cet endroit est aussi celui où est entreposé le matériel sécurité de l'avant.

En plusieurs endroits du bâtiment sont prêts à l'emploi des appareils respiratoires d'une nouvelle génération qui ont remplacé les vieux "Fenzy"

Il ne saurait y avoir une coursive sans le tableau du Commandement de la Marine Nationale

Il se trouve à ce niveau un endroit très important le PC MEC. C'est de ce PC que l'on commande et surveille le fonctionnement du diesel, les turbines, et aussi ce que nous appelons à bord des sous-marins les auxiliaires. Ici pour assurer la stabilité du bateau il existe des caisses de stabilisation que l'on remplit ou vide de bâbord à tribord ou inversement. En effet naviguer avec une gite permanente ne serait pas bon pour le sonar au bout de sa potence.

On y surveille également la distribution électrique

la sécurité du bâtiment,

mais aussi le pilote automatique

Sur cette vue, la commande du pilote automatique se trouve derrière la vitre sur la gauche. Sur la droite on peut voir les indicateurs de gite. Près de ce P.C se trouve au niveau inférieur le moteur diesel.

Ce moteur d'une puissance de 1900 cv sur une ligne d'arbre avec hélice à pas variable sert au transit du bâtiment. A côté l'on trouve un petit diesel couplé à un alternateur qui sert à la production d'électricité hors la période de chasse aux mines et principalement au mouillage.

A l'extrémité de ce petit ensemble diesel alternateur l'on trouve un osmoseur capable de produire plus de 300 litres d'eau douce par heure. Nous sommes loin de la performance des bouilleurs.

le tableau de l'osmoseur est au premier plan. La partie avant est principalment occupée par les logements de l'équipage et autres locaux de service ainsi que par les chambres froides.

Cette installation est beaucoup plus petite que ce nous avons pu voir sur un autre bâtiment sensiblement de la même taille. Il nous faut remonter, passer au-dessus de la partie occupée par le diesel et redescendre dans la partie arrière. On y trouve les magasins des différents services et la cambuse. Il y a également l'accès au local de l'appareil à gouverner. On y trouve les deux axes de gouvernail et la barre de secours.

L'alimentation des moteurs inclus dans l'ensemble "gouvernail actif" se fait par l'intérieur de cet axe et la règle dorée au premier plan est l'indicateur d'angle du gouvernail.

Enfin une vraie barre. La visite intérieure étant terminée nous retournons sur le pont pour y découvrir les nombreux matériels utiles à la mission de ce bâtiment. Sur le pont il y a les deux P.A.P

A l'avant la caméra

Dessous la pièce rouge est remplacée soit par la charge que l'on posera près de la mine pour la faire exploser ou un tenaille qui coupera l'orin d'un mine. lorsque celle-ci libérée arrivera en surface, elle sera détruite à la mirailleuse.

Sur cette vue l'on peut voir les deux moteurs électriques de propulsion et de manoeuvre ainsi que le fil reliant le P.A.P au bâtiment. Le S.P.I.V.

La pièce rouge sous l'appareil est la protection du sonar. Outre le sonar le S.P.I.V possède une petite caméra.

Le S.P.I.V est prêt à être mis à l'eau. Sur cette vue on peut voir les moteurs de direction ainsi que les petits moteurs qui le mèneront à l'immersion voulue. Au-dessous, le sonar. Afin d'éviter que le cable qui lie le S.P.I.V. au bâtiment

ne vienne s'engager dans les hélices un portique le maintient hors du bord.

Pour toutes ces manoeuvres il y a sur la plage arrière une grue.

Nous remontons un pont là où se trouvent outre les deux embarcations pneumatiques des plongeurs, des mines d'exercice.

Une mine italienne Manta (la ronde) dont la découverte fut une surprise lors du conflit au Moyen Orient. Les italiens n'avaient pas dit qu'ils en avaient vendues. Une mines suédoise Rockan. Ces mines en matériau composite sont dites furtives car elles rejettent les ondes du sonar et sont difficilement détectables. Il y a aussi un gros cylindre qui peut représenter une torpille ou une mine allemande mouillée par tube lance torpille. Lors du dernier conflit les allemands se servaient des tubes lance torpille pour mouiller 2 ou 3 mines par T.L.T.

Nous remontons au pont teugue et nous pouvons accéder au local du caisson hyperbar. Caisson dans lequel l'on procède à la décompression des plongueurs victimes d'un éventuel accident de plongée.

C'est un infirmier spécialisé qui conduit les opérations de décompression. A l'avant de ce roof se trouve le local des turbines. Il y a trois turbines de marque Turbomeca, cela signifie que ce sont des turbines d'aviation. Elles fonctionnent au gas-oil injecté à haute pression. Elles sont bruyantes, ce qui explique leur disposition sur le pont. Elles font tourner à grande vitesse des alternateurs .

La turbine se trouve en arrière plan dans un coffret rectangulaire avec au-dessus un gros conduit rouge. Au premier plan, c'est l'alternateur.

Si l'on continue la visite sur le pont on peut voir de chaque côté une mitrailleuse de 12,7 m/m

et en avant de la passerelle un canon de 20 m/m.

Que pouvons-nous retenir de cette visite ? Tout d'abord nous avons bénéficié d'un accueil formidable. Le commandant en second, notre guide, avait eu la gentillesse de mettre en oeuvre les matériels servant à la chasse aux mines afin que nous puissions bien comprendre et nous pensons l'avoir fait. Nous avons trouvé un bâtiment parfaitement entretenu avec un équipage on ne peut plus poli et serviable. Nous ne pouvons que remercier nos hôtes, le Commandant et son Second et espérons avoir rendu une très bonne image de la Marine Nationale. Nous avons souhaité une bonne mer et une bonne chasse à La Lyre et a son équipage..... - Reportage et photographies : José VASSEUR et Jean-Luc DELAETER -L'album Picasa dédié à notre visite de ce mercredi 12 mars 2008 sur le Lyre

 

Le Lyre, le chasseur de type tripartite sur le site de la Marine Nationale

Les commentaires

Ecrit par Anonyme
le 2008-03-22 à 12:15:42

Merci beaucoup pour ce magnifique reportage sur la " Lyre " Celà me ramene en 1955/56 ou sur le " Dixmude " nous avons escorté et ravitaillé en mer des US jusqu'en Méditerranée plusieurs dragueurs construits en Virginie.
Bonne fêtes de pâques à tous.
Claude Chauvel

Ecrit par Anonyme
le 2008-03-21 à 08:35:42

Cher ami,

Ex mécanicien embarqué sur les dragueurs cotiers et océaniques, précédente génération de bâtiments de lutte contre les mines, j'ai beaucoup apprécié ce reportage et vous adresse mes félicitations pour la qualité et le détail de l'information.

Bien amicalement, bonjour à José et Betty, ainsi qu'à tous.

Bernard et Jacqueline de Lambersart.

Ecrit par Anonyme
le 2008-03-20 à 14:48:14

Bonjour Jean-Luc, bonjour José,

Bravo pour votre reportage qui nous remet une louche de nostalgie !
Belles photos et de bonnes explications bien détaillées, maintenant on connait le tripartite !
Eric

Ecrit par Jean-Louis Maurette
le 2008-03-20 à 14:47:03

Merci pour cet excellent reportage qui m'a permis de découvrir de manière plus précise ce qu'est un CMT !